L'impérialisme est une donnée essentielle de la situation pour les descendants de colonisés en France. Il décrit la réalité des grandes puissances économiques, gouvernées par des oligarchies financières et industrielles, qui s'accaparent sans vergogne les richesses du monde. Au nom de la raison économique des grands groupes et de la raison d'État des grandes puissances, la vie des hommes, femmes et enfants du Tiers-Monde ne compte pour rien dans les calculs des plus importants décideurs financiers et militaires.
Après l'effondrement du bloc soviétique et la contre-révolution au Tiers-Monde, le renversement des gouvernements anticolonialistes ou leur cooptation, la plus grande part du globe est devenue l'objet de toutes les rivalités militaires entre grandes puissances et de toutes les logiques prédatrices de la part des exploitations industrielles, agricoles et des institutions financières. Les pays du Sud sont étranglés parla dictature des marchés financiers, et les populations déshéritées qui y vivent et travaillent sont soumis à une vile surexploitation, aux bas salaires,aux prix élevés des biens de première nécessité, à l'effondrement de leurs infrastructures sous le poids des guerres. La catastrophe climatique,l'épuisement des ressources naturelles et la délocalisation des émissions de carbone du Nord vers le Sud les placent en première ligne du désastre écologique.
Ces conditions de vie dégradées, pudiquement appelées « sous-développement », sont la conséquence de politiques et de réformes imposées par l'Occident et ses institutions économiques. La suprématie du dollar à l'échelle mondiale et l'agressivité militaire des États-Unis ont permis aux impérialismes de façonner les politiques économiques et de briser la souveraineté des pays du Sud. Selon les préconisations de Washington, « moderniser » signifie ouvrir tous les secteurs à la concurrence, déréglementer les prix, s'endetter auprès des marchés financiers,limiter les subventions auprès des secteurs agricoles. Ce carcan n'a à offrir au Sud global, au mieux, qu'une croissance profondément inégalitaire, où une élite occidentalisée , commerçante et financière, monopolise les rentes qu'offrent les ressources naturelles, énergétiques ou le potentiel industriel de leurs pays.
Les guerres, le plus souvent téléguidées voir emmenées depuis l'Occident, jouent un grand rôle dans cette odieuse mondialisation. Le militaire et le sécuritaire constituent des industries florissantes, un marché dans lequel la France joue un rôle majeur. La déstabilisation civile et militaire des pays du Sud est non seulement une façon pour chaque puissance d'étendre ses zones d'influence, non seulement une moyen de vendre des armes, mais c'est aussi une économie à part entière. La destruction et la reconstruction sont complémentaires, à l'image de l'entreprise Lafarge commerçant avec les territoires gouvernés par l'État islamique tandis que la coalition dont la France fait partie bombarde les civils à Mossoul et Raqqa pour « lutter contre le terrorisme ». Aujourd’hui, la France opère sur une multitude de fronts, de la Centrafrique au Mali en passant par la Syrie. Parmi les sales guerres auxquelles participe l'État français, l'une des plus insidieuses est sans nulle doute le soutien à la coalition saoudienne et émiratie dans l'agression de la population yéménite— une guerre extrêmement meurtrière pour les civils, dont les conséquences humanitaires sont catastrophiques. Nos dirigeants ont accepté de fournir des images satellitaires, des dispositifs de guidage pour aider les pétromonarchies du Golfe à mieux bombarder ses adversaires. Ces crimes de guerre sont bien entendu le prix à payer pour consolider les partenariats commerciaux, notamment en matière d'armement, avec les Saoudiens et les Émiratis.
Enfin, ce système des guerres par procuration,laissant les économies exsangues et prêtes à subir les prédations de toutes sortes, est indissociable du soutien à la poursuite de la colonisation en Palestine. La France là encore, pour se tailler la part du lion en Europe et renforcer les convergences atlantistes, joue aux bons élèves depuis quelques décennies et réprime ouvertement les actions de soutien à la Palestine. Fidèle à sa vieille tradition coloniale au Moyen-Orient, la France tient Israël pour l'un de ses partenaires stratégiques — et comment pourrait-il en être autrement, puisqu'Israël ne se contente pas d'écraser les Palestiniens, puisque le sionisme entrave depuis sa création toute construction étatique souveraine et non-alignée sur Washington ? Quel meilleur allié pour une grande puissance qu'un État proclamant tout adversaire économique et militaire du blocatlantiste comme une menace existentielle ?
Cette géopolitique impérialiste et cette économie prédatrice ont une conséquence majeure pour les populations issues de la colonisation en Europe et aux États-Unis. Comme l'avaient constaté Fanon et Malcolm X, la suprématie occidentale est inséparable du racisme, c'est-à-dire de la justification idéologique que certaines vies sont éligibles aux droits humains et d'autres — la majorité de l'humanité — ne comptent pour pas grand chose : victimes collatérales des bombardements, migrants et déplacés par les guerres et le climat, paysans expulsés ou ruinés, populations colonisées, etc.Si la vie des Noirs, Arabes, musulmans, Asiatiques du monde entier ne comptent pour rien à l'échelle du monde, il va de soi que dans nos métropoles impérialistes elles sont également de peu de valeur. Par ailleurs, sécuritaires et militaires nourrissent aussi la guerre préventive menée contre les quartiers populaires. Tout est fait, en outre, pour empêcher les populations victimes du racisme de s'immiscer dans les aventures impérialistes françaises, notamment du fait de la criminalisation de la campagne BDS en France et de la répression des manifestations en soutien à la Palestine ou contre la négrophobie.
Dans ce contexte, et pour marquer notre opposition à la suprématie occidentale sous toutes ses formes, ici et ailleurs,nous appelons à célébrer le geste héroïque de Rosa Parks cette année par deux jours de lutte. Exigeons la fin de la présence française en Afrique, au Moyen-Orient, la fin du franc CFA, la fin des activités prédatrices des firmes françaises et des fonds d'investissement français dans les pays du Sud ;demandons la reconversion de nos industries sécuritaires, militaires et carcérales, de notre complexe nucléaire, en activités réellement nécessaires ou épanouissantes pour les populations ; réclamons la fin de la françafrique, du pillage des ressources naturelles et des forces laborieuses d'Afrique, ainsi que l'abolition de la dette du Tiers-Monde.
Le 30 novembre 2018, contre le racisme et les inégalités sociales, on disparaît de nos lieux de travail, denos facs, de nos écoles, des réseaux sociaux, des lieux de consommation.
Et le 1er décembre,on réapparaît sur toutes les grandes places des villes, pour exiger Egalité et Dignité pour tous et toutes.